dimanche 30 décembre 2007

- La vengeance d'un ancien combattant de guerre


La sonnette de l’entrée de l’appartement retentit, Ahmed ouvra la porte pour être en face d’un bonhomme avancé en âge qui a l’air d'être sérieux.
Après les salutations, il se présenta :
- Je suis Bouchaïb, l’ami de ton père Djilali et je veux le voir, est-il là ?
- Ça fait une semaine qu’il est en voyage, il va revenir d’ici un mois, répondit Ahmed.
Alors, l’homme en question le salua et s’en va en lui confirmant qu’il va revenir au moment opportun pour le voir.

Ahmed ferma la porte et en allant à sa chambre croisa sa mère qui lui demanda :
- Qui est-ce ?
- C’est un ami de mon père qui veut le voir, alors je lui ai menti, répliqua Ahmed
- En tout cas, ne dis rien à ton père, lui conseilla sa maman
- D’accord maman, répondit Ahmed tout en allant à sa chambre.

Mais, au moment même, son père l’appela de sa chambre à coucher et lui demanda :
- Ahmed, qui a sonné à la porte ?
- Personne papa, rétorqua Ahmed
- Mais, ce n’est pas possible, je viens d’entendre le retentissement de la sonnette, répondit le père
- Non, je crois que tu rêves ou que tu as des hallucinations, riposta Ahmed.

Pour avoir une idée sur la famille Djilali, il y a lieu de dire qu’elle se compose de cinq membres, Djilali le père, Zohra la mère, Brahim l’enfant aîné, Karim le cadet et Ahmed le dernier-né.
Le logement qu'ils résident appartient au père. Pour subvenir à leurs besoins vitaux, ils s'appuient tous sur le montant pécuniaire de la retraite du père. Les trois enfants ne travaillent pas, ils sont des chômeurs.

Djilali était un ancien combattant de l’armée française, dont l’âge s’approche de soixante quinze ans, a participé à la guerre de l’Indochine. A cinquante cinq ans, l’âge de sa retraite, a quitté l’armée pour travailler comme chauffeur d’autobus dans sa ville. Avec l’avancement d’âge, il est fatigué et il est souvent malade. C'est un cancéreux sous traitement mais qui cache sa maladie à tout le monde, surtout à sa famille. Il passe le reste de sa vie sur le lit de sa chambre à coucher soit à regarder la télévision, soit à prendre ses médicaments ou soit à dormir. Souvent il reste seul à la maison. Il est délaissé par sa femme lorsqu'elle rendrait visite à ses parents. Il est abandonné aussi par les trois enfants qui passent la plupart de leurs temps en dehors de la maison.

Zohra est encore en forme, elle est en pleine santé, son âge ne dépasse pas cinquante ans, elle s’est mariée à un bas âge et elle a donné naissance à trois garçons qui sont en vie et une fille qui est morte à l’âge de six mois. Elle n’a jamais travaillé à l’extérieur du ménage. Elle est toujours en conflit avec son mari à cause de l’éducation de leurs enfants, chacun d'eux a sa vision personnelle. Elle aime beaucoup ses trois enfants et les gâtent.

Les trois enfants ont respectivement les âges vingt huit, vingt six et vingt quatre ans. Ils ont quitté l’enseignement scolaire à un bas âge, ils étaient faibles et ont fait l’objet d’exclusion successive du collège. Ils viennent seulement à leur domicile pour manger, dormir, prendre des douches et changer leurs habits. Ils s’entendent avec leur maman mais pas avec leur père malade chroniquement.

Lorsque tous les membres sont dans l’appartement, on dirait que c’est la guerre qui vient de s’éclater automatiquement. Ils sont quatre contre un, la mère et les trois garçons contre leur père. Souvent cette situation d’anarchie approfondit la maladie du père et le rend malheureux. Mais leurs conflits sont à cause de l’argent, les quatre demandent sans cesse à Djilali de leur donner son argent. Au début, il refuse mais il cède après pour leur donner une partie de cet argent.

Par un beau jour, l’appartement était désert à l’exception de Djilali qui regardait, comme d’habitude, la télévision dans sa chambre à coucher. Soudain la sonnette de l’entrée de l’appartement résonna. Lentement et tout courbé, Djilali alla ouvrir la porte pour être surpris de voir son intime et ancien ami Bouchaïb planté comme un robot devant cette porte. Après les salutations, il l’invita à entrer et lui demanda de prendre place et de s’asseoir sur un fauteuil du salon.
- C’est une longue absence, je te n’ai pas vu depuis trois mois, dis Djilali
- Non, ça fait un mois, que je vinsse te rendre visite mais tu n’étais pas là, tu étais en voyage, répondit Bouchaïb
- Non, mon ami, pas de mensonges et n’avances pas de fausses choses, j’étais là et ça fait presque une année que je n’ai jamais voyagé, rétorqua Djilali
- C’est l’un de tes fils, je crois le plus jeune, qui a ouvert la porte et qui m’a annoncé ça, lors de cette visite datant d’un mois, riposta Bouchaïb
- Attends, ah oui c’est vrai, j’ai entendu la sonnette retentissante. Et j’ai demandé à Ahmed, qui est-ce, et il m’a répondu, personne. Ah le menteur, affirma Djilali.
Puis il supplia son ami de l'excuser et il reprit:
- Ecoutes mon ami, je commence à en avoir marre de perdre mon temps avec cette famille. Elle ne me respecte pas et en plus elle n'a qu'un seul intérêt, c'est de faucher mon argent. Ma femme veut l’offrir à sa famille et les enfants sont devenus, avec mon argent, des piliers de bistrots.
- Mon ami, aie de la patience, comme même ce sont ta femme et tes enfants, répondit Bouchaïb
- Eh Bouchaïb, je vais te demander de me rendre un grand service, tu vas m’emmener du poison, dit Djilali
- Pourquoi faire ? demanda Bouchaïb
- Je vais me suicider, je ne supporte plus cette maudite vie, d’une part la maladie et d’autre part je suis très dérangé par ma famille, riposta Djilali
- Non, ne dis pas ça, tu es devenu fou ou quoi ? Voyage, un week-end à la campagne suffit à te dépayser, et tu vas oublier tout ce malheur, rétorqua Bouchaïb
- Je crois que tu ne me comprends pas, je souffre mon ami, et je suis arrivé à la limite, je ne peux plus supporter. Je t’en supplie, au nom de l’amitié, de m’apporter du poison et d’urgence, ne dis pas non, répliqua Djilali en pleurant comme un bambin
- Bon, d’accord, puisque tu insistes, répondit Bouchaïb.

C’est ainsi, que les deux amis se quittent, l’un, très fatigué, pour aller à son lit, l’autre, très troublé par cette demande, pour se diriger à son domicile.

- Je suis épuisé, murmura Djilali. Il était hors de l’espoir et il a vu que son salut sera avec ce poison qui mettra fin à sa vie. Pour lui, la venue de son ami Bouchaïb en absence des autres membres de la famille est une chance exceptionnelle qui ne se présentera jamais, donc il doit profiter de cette unique occasion. En buvant le poison, c’est la détente perdue depuis longtemps et recherchée à l’instant.

Quant à Bouchaïb, en sortant, il ne sait quoi faire. Satisfaire la demande de son intime ami, va mettre fin non pas à sa vie seulement mais à ses souffrances aussi. Le cas contraire, va accroître l’ampleur de la peine de Djilali. Alors, entre ces deux choix, que faut-il choisir ? Le repos éternel avec le poison ou la souffrance en le délaissant. Son cœur plein de tendresse lui dicte le choix du poison. Sa raison bourrée de logique lui suggère les deux solutions. Donc c’est le poison qui l’emporte.Nous sommes au grand jour de la grande décision : vie souffrante ou mort reposante, deux choix sans un troisième.

Et oui, Bouchaïb a profité de l’absence des autres membres de la famille, il les guettait toute la matinée. A leur sortie de l'appartement, il est venu doucement comme un loup qui guettait prudemment sa proie pour rendre visite à Djilali avec un flacon en verre plein de poison. Comment et d’où il l’a récupéré, personne ne peut nous donner la réponse. C'est un secret à vie que Bouchaïb tînt beaucoup à ne pas le divulguer. Après les salutations, Bouchaïb a remis à Djilali le flacon en lui disant :
- Tiens, mon ami, c’est de l’arsenic, un poison violent
- Il pourrait faire l’affaire ? Demanda Djilali
- Pour être sincère avec toi, l’arsenic est un poison qui soigne car il a des effets bénéfiques, mais c’est la dose qui fait le poison et qui tue. Tu dois savoir que l’arsenic neutralisait des cellules tumorales dans certains cas de cancer. Il pourrait bien nous débarrasser aussi des lymphocytes T qui s’accumulent dans des maladies auto-immunes. Expliqua Bouchaïb
- Tu es un grand toubib mon ami, je ne le savais pas, dit Djilali en riant.

Alors les deux amis se sont salués en s’embrassant et en pleurant. C’est un spectacle qui reflète une tristesse très profonde, difficile à décrire en quelques mots. C’était un sentiment douloureux et pesant, provoqué par cet évènement malheureux d’adieu. Et ainsi, Bouchaïb quitta son ami intime Djilali pour l’éternel.

A vrai dire, l’arsenic a été employé pendant plus de deux mille ans comme médicament et aussi comme poison. Donc Djilali, pourrait mourir d’un temps à un autre comme il pourrait aussi vivre en s’étant en mesure de se guérir vraiment. Tout dépend de la dose qu’il va utiliser. S’il utilisa une grande dose, la mort sera de son sort, s’il employa une petite dose, l’arsenic ne semble pas entraîner d'effets indésirables graves et il sera automatiquement guéri.

Mais cette fois-ci, Djilali est un chanceux et une longue vie lui sourit. Il a choisi la petite dose, ce qui lui transforma en quelques jours en homme sain et sauf, son état de santé est devenu bon et ne présenta plus d’anomalie ou de signe de maladie. Sa femme et ses trois enfants ont remarqué tous ce brusque changement. Maintenant, c'est l'homme fort de la famille, adieu la faiblesse, mais c'est quand même un ancien caporal en militaire, il sait les règles du commandement et il maîtrise l'art de commander les gens, surtout les faibles.

Djilali, notre homme est en bonne forme, commença à sortir et à contacter Bouchaïb. Les deux amis fréquentèrent un café et à la longueur de la journée discutèrent une méthode pour que Djilali se désengagea de sa famille au prix de quitter définitivement sa femmme et- ses trois enfants. Enfin, ils ont abouti à une solution qui veut que Djilali vend tous ses biens et en particulier son appartement sans que sa famille sache ce complot familial.

Aussi théorisé aussi appliqué, Djilali a chargé un notaire pour s’occuper de ces ventes. Et au bout d’un mois l’affaire est réglé, tous les biens de Djilali ont été vendu. Ce dernier a pris un avion pour rejoindre sa première femme à l’Indochine qu’il a abandonné depuis longtemps. Ce premier mariage était un grand secret, personne ne le savait.

Les nouveaux propriétaires, leurs papiers à la main, ont pris l’appartement tandis que les membres de la famille de Djilali sont mis d’office à la rue pour ne trouver que du vide. Quuant à Djilali, une fois, arrivé à l’Indochine, a appris, par d'anciens voisins, que sa première femme est morte depuis son départ suite à l’explosion d’une bombe. Il resta perplexe devant une attitude à adopter, il ne sut quoi faire. Par contre sa femme a rejoint sa famille, ses trois enfants ont émigré clandestinement en Europe Occidentale.

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