lundi 31 décembre 2007

- Naguib Mahfouz





Un évènement triste :

Le mercredi 30 août 2006 est un jour triste non pour les intellectuels arabes seulement, mais triste aussi et malheureux pour tous les intellectuels du monde, même ceux d’Israël.

Oui, ce jour là, de mercredi, Naguib Mahfouz, est mort, a annoncé son médecin, le Dr Hossam Mowafi. Il était âgé de 94 ans. Mahfouz est décédé dans un hôpital public de la capitale égyptienne des suites d'une insuffisance rénale, d'une pneumonie et de problèmes liés à son âge avancé.
Les obsèques ont eu lieu jeudi à midi, dans la mosquée Al-Rashdan du Caire qui accueille de nombreuses funérailles de personnalités à qui l'on rend les honneurs militaires.

Ce même jour de la mort du défunt, plus de 120 articles parlent de Naguib Mahfouz, rien qu’en langue française.

Alors, qui est Naguib Mahfouz ?

Il n'a été reconnu que dans les années cinquante après la parution d'un énorme roman de 1.500 pages, «La Trilogie».
C’est le premier écrivain arabe à obtenir le Prix Nobel de Littérature en 1986, l'une des plus grandes figures de la littérature égyptienne et arabe et pourquoi ne pas dire universelle ?

Son style a fait école dans la littérature arabe moderne, nombreux sont les écrivains qui s'en sont inspirés pour apporter du sang neuf à l'écriture romanesque. Son disciple Jamal Ghitani affirme «être, avec d'autres, sortis du manteau de Mahfouz». L'écrivain s'est dit l'héritier des Egyptiens Taha Hussein, Mohammed Hussein Haykal ou Tawfiq al-Hakim.

Cet écrivain égyptien est né au Caire en 1911, Il aura ouvert dans les lettres un espace de fiction romanesque qui fait de lui le véritable instaurateur du roman arabe. Son œuvre, qui s'étend sur plus d'un demi-siècle, est, dans cette aire linguistico-culturelle, la première qui soit exclusivement consacrée à la fiction romanesque, dont elle aura, avec un grand bonheur narratif, exploré les techniques et les modes les plus variées.

Il y a lieu d’affirmer que malgré que Naguib était cible en 1994 d'une tentative d'assassinat par un islamiste, Mahfouz a toujours prôné la tolérance et la modération. Depuis cette date, il était paralysé de la main droite et devait dicter ses textes. Ce geste de ce grand écrivain est un symbole de sacrifice vis-à-vis à la continuation de la connaissance humaine.

Ses écrits

Au cours de sa carrière qui s'étend sur près de soixante ans, il a publié plus de 50 romans et recueils de nouvelles:
• 'Abath al-aqdâr, roman 1939 (trad. française La Malédiction de Râ, 1998)
• Radôbîs, roman 1943 (trad. française L'Amante du pharaon, 2005)
• Kifâh Tîba (Le combat de Thèbes), roman 1944
• Al-Qâhira al-jadîda, roman 1945 (trad. française La Belle du Caire, 2000)
• Khân al-Khalîlî, roman 1946 (trad. française Le Cortège des vivants : Khan al-Khalili, 1999)
• Zuqâq al-midaqq, roman 1947 (trad. française Passage des Miracles, 1970)
• Hams al-junûn (Le murmure de la folie), nouvelles, 1947
• Al-Sarâb, roman 1948 (trad. française Chimères, 1992)
• Bidâya wa-nihâya, roman 1949 (trad. française Vienne la Nuit, 1996)
• La Trilogie du Caire :
o Volume I : Bayn al-Qasrayn, roman 1956 (trad. française Impasse des Deux-Palais, 1987)
o Volume II : Qasr al-Chawq, roman 1957 (trad. française Le Palais du désir, 1987)
o Volume III : Al-Sukkariyya, roman 1957 (trad. française Le Jardin du passé, 1989)
• Awlâd hâratinâ, roman 1959 (trad. française Les Fils de la médina, 1991)
• Al-Liss wa-l-kilâb, roman 1961 (trad. française Le voleur et les chiens, 1985)
• Al-Simmân wa-l-Kharîf (Les cailles et l'automne), roman 1962
• Dunya Allâh, nouvelles 1962 (trad. française Le Monde de Dieu, 2000)
• Al-Tarîq, roman 1964 (trad. française La Quête, 1997)
• Bayt sayyi' al-sum'a (Une maison mal famée), nouvelles 1965
• Al-Chahhâdh, roman 1965(trad. française Le Mendiant, 1997)
• Tharthara fawq al-Nîl, roman 1966 (trad. française Dérives sur le Nil, 1989)
• Mîrâmâr, roman 1968 (trad. française Miramar, 1990)
• Khammârat al-Qitt al-Aswad (Le cabaret du Chat Noir), nouvelles 1969
• Tahta al-Midhalla (Sous l'abri), nouvelles 1969
• Hikâya bi-lâ bidâya wa-lâ nihâya (Histoire sans commencement ni fin), nouvelles 1971
• Chahr al-'asal (La lune de miel), nouvelles 1971
• Al-Marâyâ, roman 1972 (trad. française Miroirs, 2001)
• Al-Hubb taht al-matar (L'Amour sous la pluie), nouvelles 1973
• Al-Jarîma (Le Crime), nouvelles 1973
• Al-Karnak (Karnak), nouvelles 1974
• Hikayât hârati-nâ, récits 1975 (trad. française Récits de notre quartier, 1988)
• Qalb al-Layl (Au cœur de la nuit), nouvelles 1975
• Hadrat al-muhtaram (Son Excellence), roman 1975
• Malhamat al-harafîch, roman 1977 (trad. française La Chanson des gueux, 1989)
• Al-Hubb fawq hadabat al-haram, nouvelles 1979 (trad. française L'Amour au pied des pyramides, 1997), 1979
• Al-Chaytan ya'izh (Satan prêche), 1979
• 'Asr al-hubb (Le temps de l'amour), 1980
• Afrah al-Qubba (Les noces de Qobba), 1981
• Layâli Alf Layla (trad. française Les Mille et Une Nuits, 1997), 1982
• Ra'aytu fi-mâ yarâ al-nâ'im (J'ai vu dans mon sommeil), nouvelles 1982
• Al-Bâqi min al-zaman Sâ'a (Heure H-1), nouvelles 1982
• Amâm al-'arch (Devant le trône), roman 1983
• Rihlat Ibn Fattouma (Le voyage d'Ibn Fattouma), roman 1983
• Al-Tanzhîm al-sirrî (L'organisation secrète), nouvelles 1984
• Al-'A'ich fî l-haqîqa, roman 1985 (trad. française Akhénaton le Renégat, 1998)
• Yawma qutil al-za'îm, roman 1985 (trad. française Le Jour de l'assassinat du leader, 1989)
• Hadîth al-sabâh wa-l-masâ', roman 1987 (trad. française Propos du matin et du soir, 2002),
• Sabâh al-ward, roman 1987 (trad. française Matin de roses, 1998)
• Quchtumar, roman 1988
• Al-Fajr al-kâdhib (L'Aube trompeuse), nouvelles 1989
• Asdâ' al-sîra al-dhâtiyya, récits 1996 (trad. française Echos d'une autobiographie, 2004)

Hommages internationaux

Compte tenu de l’importance de notre homme, des hommages internationaux à son âme :

- Le président égyptien Hosni Moubarak a souligné que les romans du Prix Nobel de littérature 1988 exprimaient "les valeurs communes à l'humanité (...), les valeurs de la tolérance, contre l'extrémisme".

- S.M. le Roi Mohammed VI, Roi du Maroc a adressé un message de condoléances au Président égyptien, Mohamed Housni Moubarak.
Dans ce message, S.M. le Roi présente au Président égyptien et, à travers lui, à la famille du défunt et au peuple égyptien frère, ses vives condoléances et sa compassion pour la mort de l'une des figures emblématiques de l'Egypte et de la Oumma arabe, qui s'est distinguée au niveau international par sa créativité, couronnant son riche parcours par l'obtention du Prix Nobel de littérature.
S.M. le Roi prie Dieu d'avoir le défunt en Sa Sainte Miséricorde et d'accorder à sa famille patience et réconfort.

- Le président français Jacques Chirac a rendu hommage mercredi à cette "grande figure de la littérature mondiale" et "ce créateur hors du commun". "Par son œuvre, Naguib Mafouz a dépeint avec cœur, finesse et réalisme la société égyptienne. Premier écrivain arabe à recevoir le prix Nobel de littérature en 1988, il donna une notoriété universelle aux lettres égyptiennes et au vieux Caire de son enfance", selon le président français.

- Le président américain George W.Bush a salué "cet extraordinaire auteur" dont les écrits "surpassent tous les stéréotypes et pénètrent au plus profond de la vie des Egyptiens et de l'humanité tout entière".

- Le Premier ministre français Dominique de Villepin a salué mercredi un homme dont l'œuvre et la vie "furent et resteront pour ses pairs un encouragement constant et exemplaire à refuser toutes les formes d'intimidation".

- Le ministre israélien de la Culture Ophir Pines a adressé mercredi un télégramme de condoléances à son homologue égyptien Farouk Hosni rendant hommage à l'Egyptien Naguib Mahfouz.
Il a souligné dans ce message les qualités de "grand écrivain" de Mahfouz, selon une porte-parole du ministère.
Il a rappelé son "soutien au processus de paix" avec Israël et le "prix que cela lui a coûté" en allusion aux attaques dont il fut l'objet dans son pays.
Mahfouz avait été l'un des rares intellectuels égyptiens et arabes à avoir approuvé les accords de paix entre l'Egypte et Israël en 1979, ce qui lui a valu de nombreuses critiques de la part d'écrivains et intellectuels en Egypte. Et en plus, en raison de ses positions sur Israël, son œuvre a été boycottée dans nombre de pays arabes.

- Le gouvernement allemand a rendu hommage au "grand penseur et écrivain extraordinaire" que fut l'Egyptien Naguib Mahfouz.
"Nous pleurons un grand penseur et un écrivain extraordinaire" qui "a de nombreuses fois utilisé la force des mots pour réclamer la justice, la liberté, la sécurité, l'amour et le bien-être de tous les hommes sur cette terre", a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier dans un communiqué.
"Il a combattu les restrictions politiques de manière admirable avec beaucoup de courage et de cœur", a ajouté le ministre, estimant que le lauréat du prix Nobel de littérature 1988, "lui-même victime des fondamentalistes religieux, était une voix importante dans le dialogue avec le monde islamique".
"Sa détermination à œuvrer pour la paix, son engagement permanent pour une compréhension entre les cultures et pour la tolérance entre les religions méritent notre plus grand respect et nos plus grands remerciements", a conclu le ministre.

- L'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun a souligné que "ce visionnaire courageux" a été "comme Balzac et Zola, comme Tolstoï et Faulkner, témoin de son époque, témoin à l'écoute de son peuple, celui qu'il côtoyait quotidiennement dans sa rue, dans son café".

- Le romancier égyptien Sonallah Ibrahim a estimé que "Naguib Mahfouz est pour le roman arabe ce que sont les pyramides pour l'Egypte", soulignant que "chacun de ses romans constitue une nouvelle expérience littéraire".

- Son éditeur français chez Actes Sud, Farouk Mardam-Bey, a rappelé que Naguib Mahfouz était "le vrai père fondateur du roman arabe dans sa forme moderne. Il a donné l'impulsion à partir des années 40. Une nouvelle génération d'écrivains s'est réclamée de lui et lui est restée fidèle."

Naguib Mahfouz n’est pas mort

Enfin, à vrai dire Naguib Mahfouz n’est pas mort. C’est son corps qui nous a quittés pour toujours. Mais, sa production littérature, nous l’avons hérité selon la loi intellectuelle : la connaissance est universelle. Cette connaissance est sans frontières, elle n’a pas de nationalité, elle n’est soumise ni à aucune religion ni à aucune politique. C’est l’héritage de toute l’humanité. Et disons ensemble que Dieu ait l’âme du défunt et l’âme et de tous les intellectuels qui nous ont laissé des héritages de la même nature.

Aucun commentaire: