jeudi 3 janvier 2008

- Un orphelin prodige






Aujourd’hui est exceptionnel. D’une part c’est un jour férié et je n’irai pas au boulot. D’autre part je me suis levé à l’aube et j’étais privé de la grasse matinée.

Vers dix heures du matin, au moment du jour montant, je me suis dirigé vers mon café préféré, j’ai un rendez-vous avec Ahmed. C’est un montagnard qui s’attache beaucoup aux questions religieuses et qui professe dans un lycée de la ville. J’ai fait sa connaissance depuis trois ans lors de ma visite d’une source de la montagne pendant mon congé annuel.

Pendant mon trajet, j’ai constaté qu’il n’y a pas d’embouteillage sur les boulevards qui mènent au fameux café. C’est tout à fait normal puisque les gens ont voyagé ou sont encore à l’intérieur de leur résidence. L’environnement est calme et donne l’impression que la population a déserté la ville. Le ciel était totalement bleu et le soleil brillait en envoyant des rayons lumineux qui font mal à la tête, malgré que nous sommes en plein hiver.

Une fois arrivé au café, j’ai remarqué qu’Ahmed n’est pas encore là. Alors, j’ai profité de son absence pour aller à la librairie qui est en face dudit café et d'acheter un livre sur l’enfance qui s’intitule « L’enfance perdue ». Une fois l’affaire est réglée, je me suis retourné au café pour être surpris qu’Ahmed soit assis sur une chaise autour d’une table sur la terrasse.

Après les salutations, Ahmed m’a invité à prendre quelque chose. Je me suis assis sur une chaise et pour faire plaisir à mon ami, j’ai demandé au garçon du café du thé, c’est ma boisson préférée surtout elle est chaude et c’est l’hiver, après quoi j'ai posé mon livre sur la table.

Ensuite, Ahmed m’a demandé comment j’ai passé la nuit tout en regardant le titre du bouquin acheté. Je lui ai répondu que c’était une longue nuit d’angoisses pour moi, où j’ai fait plusieurs rêves qui n’ont aucun sens, plutôt étaient des cauchemars sous forme de lugubres histoires.
En tout cas, ces derniers avaient un bon effet positif, ils m’ont réveillé avant l’aube, le moment où la nuit couvre tout.

J'ai profité pour voir cet évènement de l'aube:

L'aube est une sorte de fil qui sépare la nuit sombre du jour clair. Elle ne dure que quelques minutes. Toutes les couleurs sont présentes et viennent saluer la nature. Le calme presque absolu règne malgré qu'il soit perturbé d'un temps à autre par les chants des oiseaux transformés en musique naturelle acceptable par l'ouïe fine. L'air est frais et doux au visage glacé par le froid de l'hiver. L'oxygène a une odeur parfumée et particulière. Ce panorama, que les peintres n'arrivent pas à l'interpréter avec leurs plumes, prend sa fin avec le lever du soleil rond et grand de l'est.

Pendant cette description de l'aube. Ahmed m'a interrompu en me disant:
- Mon ami, tu es un bon descripteur, mais as-tu fait la prière de l'aube?
- Oui, lui répondis-je
- La fais-tu régulièrement? Demanda-t-il
- Non, quelquefois seulement? Ripostai-je
- Pourquoi? Interrogea t-il
- C'est difficile pour moi et j'aime faire la grasse matinée, rétorquai-je
- Dieu ne t’a ni laissé seul, ni méprisé, alors pourquoi as-tu ce comportement de paresse? Dit-il
- Bon, je ferai un effort pour me réveiller tôt, répondis-je
- Penses à l'autre vie, la vie éternelle, elle est meilleure par rapport à la vie terrestre qui est temporaire. Le créateur t’a octroyé de toutes ses prédilections, alors tu dois être réjoui, réfuta t-il

Soudain nos discussions religieuses ont été interrompues par l'arrivée d'un enfant chétif de quatorze ans environ, avec de beaux cheveux noirs mais dont les pieds sont nus et les vêtements sont crasseux. On dirait que c'est un clochard qui vivait dans la rue. Il a la physionomie d'un asiatique. Il nous a fait signe de bonjour. Il parlait notre langue comme nous.

Ce garçon m'a vraiment dérangé et je lui ai dit:
- Vas-y ailleurs, on n’a rien à te donner
- Je ne demande pas l'aumône, j'ai de l'argent, me répondit-il
- Alors que veux-tu ? Lui demandai-je
- Je voudrais bien lire ce livre qui est sur la table, répliqua t-il
- Je me demande comment un clochard comme toi sache lire et écrire, lui dis-je
- Je ne suis pas un clochard ? Riposta t-il
- Qu’est-ce que tu es ? Lui demandai-je
- Je suis un orphelin, qui n’a jamais vu son père. Je ne l’ai vu que sur les photos. Mon père est mort en Irak lors du premier raid américain. C’est un mercenaire dont l’origine est le Viêt Nam.

A ce moment là, mon ami lui demanda de prendre une chaise à côté de lui, de s'asseoir et l’invita à consommer quelque chose. Sans hésiter, l’enfant s’assit et demanda un café au lait. Ahmed le supplia de continuer son histoire.
L’enfant reprit la parole et dit :
- J’habite avec ma mère, elle a bénéficié d’un héritage très important et je suis élève dans un lycée
Ahmed l'interrompit:
- Et pourquoi tu es dans cet état ?

Et l’enfant reprit son discours en disant :
- L’étude d’un phénomène social n’a aucune valeur si elle s’attache seulement à la théorie. La plupart des écrivains, même les grands, n’ont jamais dépassé le stade de travail de bureau et se sont appuyés souvent sur de faux témoignages archivés, dont la plupart sont écrits ou dictés par des voyageurs.

Le terrain est indispensable et doit être associé au théorique pour rendre l'étude objective et qualitative. Quant à moi, je suis chargé par mon professeur de sociologie de faire une petite recherche sur les enfants clochards. C’est pour cela que je me suis déguisé ainsi pour faire mon enquête sur les clochards correctement et selon les normes de l’objectivité scientifique.

Puis, il s’adressa à moi en me parlant :
Le Bienfaiteur m’a trouvé orphelin et il m’a réservé un bon accueil affectueux chez ma mère. Il m’a trouvé fourvoyé et m’a guidé dans mes études. Il m’a trouvé pauvre en connaissances et m’a enrichi en idées. Alors, je t’en prie ne maltraite pas les orphelins et lorsque je te demande gentiment de m’accorder la lecture de ce livre, tu ne dois pas me repousser. Il me paraît que tu es dans un état de confort, tu dois proclamer le bienfait de ton Seigneur.

A ces mots, je suis devenu muet et je lui ai offert le livre sur l’enfance et je lui ai demandé de m’excuser.

L’orphelin prodige sourit pour nous témoigner sa sympathie, but sa consommation en vitesse et partit content en nous remerciant chaleureusement.

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