mardi 8 janvier 2008

- Une famille de mon village: 01/30. Le successeur illégitime


Lalla Mina, la grand-mère supplia ses six petites-filles de se taire en leur disant : "Votre père sera bientôt là, et il ne sera pas content avec votre brouhaha, vous savez bien qu’il aime le calme absolu, allez, taisez-vous."

Juste, après ces recommandations, l’horloge sonna neuf fois indiquant l’arrivée probable de Hadj Abdallah d’une minute à une autre.

A ce moment même, Lalla Fatima, la femme au foyer, appelle sa grande fille pour lui confirmer si le bain est méticuleusement préparé. La fille a répondu positivement.
Soudain, on sonne à la porte principale de l’entrée de l’appartement conjugal. Une petite fille de six ans est allée ouvrir en courant et en criant : "C’est papa ! C’est papa !".

Hadj Abdallah est un grand commerçant de la ville dont l’âge ne dépasse pas cinquante ans. Il est le propriétaire de grands magasins de textile, la quasi-totalité des habitants de la ville le connut.

Malgré que ses études scolaires n’aient pas pu dépasser le stade du collège, il est un as au commerce où il a pu faire une brillante carrière dont il a été l’objet de la jalousie de ses adversaires.

Sa famille se compose de lui, de sa mère, de sa femme et de ses six filles. L’âge des filles varie entre deux ans à douze, on dirait qu’il est calculé selon une progression arithmétique de raison égal plus deux.

Il est le seul mâle de la famille, ce qui lui fait beaucoup de peine. Lors de ses prières, il demande le Tout Puissant de lui octroyer un fils pour le succéder dans son commerce.

Lalla Mina, la grand-mère est âgée de soixante douze ans. Le vieillissement la caractérise avec ses cheveux blancs et ses rides frontaux. Elle ne sait ni lire ni écrire mais elle aime parler trop et elle croit qu’elle a toujours raison. Elle ne dort que cinq heures par jour et lorsque la famille dort, elle ouvre la fenêtre de sa chambre et lève sa tête vers le ciel sombre et dit :

"Oh Dieu, tu es mon seul amour, tu vois les rues sont désertes, les portes sont fermées, tes serviteurs dorment, je suis la seule éveillée. Je t’aime en deux amours, un amour pour l’amour et un amour parce que tu mérites cet amour. Cette vie terrestre n’est que perte du temps qui n’existe pas. Je t’en supplie, aides-moi à s’approcher de toi. Je t’implore pour que tu me donnes la force et la foi quand dans mes malheurs je me noie….. ".

Lalla Fatima, genre de femme soumise, dont le visage annonce la jeunesse, elle vient de fêter ses trente deuxième anniversaires. Elle s’est mariée à l’âge de dix huit ans, un mariage traditionnel qui ne tient pas compte ni du sens de l’amour ni de son âge d’or. Elle a le même niveau scolaire que son mari. Elle est gentille et aimée par tout son entourage.

Son grand souci c’est que son mari va l’abandonner un jour parce qu’elle n’a pas donné naissance à un fils mâle. D’ailleurs, Hadj Abdallah, n’a pas osé lui rendre visite à la clinique lors de la naissance de la sixième fille. Il n’était pas satisfait, il veut un enfant mâle à tout prix, même avec le prix d’appliquer la polygamie et de se remarier avec trois autres femmes.

Il ne craint rien, il est autoritaire et il a de l’argent disponible pour ce faire. Les voisins et quelques membres de sa famille, l’ont vu ce jour en train de pleurer. Son amour ne se concrétisera que par la naissance d’un enfant mâle.

Lalla Fatima était enceinte, elle est dans son troisième mois. Sans avoir rien dit à son mari, elle a consulté une gynécologue qui lui a affirmé qu’elle donnera naissance à une septième fille.

Alors là, elle est perdue et ne savait que faire face à cette situation critique. Une de ses amies qui exerce le métier de sage-femme, lui a suggéré une idée en lui disant : "Je vais te surveiller pendant ta grossesse et je vais t’assister pendant ton accouchement, ne crains rien, j’ai une solution convenable."
- Laquelle ? Demanda Lalla Fatima
- Ne t’en fais pas, chaque chose à son temps, répondit la sage-femme.

Après cette rencontre faite en cachette, même la grand-mère n’était pas au courant, six mois se sont passés, ce sont les préparatifs de l’arrivée du septième nouveau-né chez la famille de Hadj Abdallah. On dirait que ce dernier attend avec impatience le résultat d’un grand concours ou examen dont dépend son avenir.

Il a raconté à ses intimes amis que pendant la nuit d’un vendredi a rêvé un rêve qui a un sens. Il a vu qu’un ange, avec deux ailes, descendit du ciel et lui a remis un enfant mâle en lui disant voilà ton cadeau du ciel. Alors ses amis lui ont interprété ce beau rêve en lui disant : "Si ta femme est enceinte, c’est sûr que le nouveau-né sera un beau garçon qui fera l’honneur de ta famille". A vrai dire, ces amis n’étaient que des commerçants qui attachent beaucoup d’importance à l’argent et pour le reste ils s’en fichent pas mal.

L’heure de la vérité est arrivée, c’est le grand jour. Lalla Fatima, toute triste, a fait sa valise et celle de son enfant. Elle va accueillir une fille, elle le sait.

Cependant quelque chose l’angoisse au sujet de son amie la sage-femme qui est présente avec elle ce jour là. Quelle solution prétend-elle avoir ? La sage-femme lui tape sur le dos et lui rassure que tout se passera bien.

Maintenant, Lalla Fatima est dans une chambre d’accouchement de l’hôpital. Toute la famille attend le résultat et même les amis. Heureusement, c’est Hadj Abdallah, en personne, qui est cette fois-ci est là et qui a annoncé aux visiteurs devant la clinique que sa femme a donné naissance à un garçon.

Tout le monde a été surpris, mais la plus grande surprise est celle de Lalla Fatima, qui est restée muette. Elle savait qu’elle est enceinte d’une fille et comment le nouveau-né est un garçon. Elle était entre la joie et l’inquiétude mais c’est l’inquiétude qui l’a emporté. Elle disait que c’est la gynécologue qui s’est trompée.

Oh ! Si Lalla Fatima sache la vérité, elle aura perdu connaissance. La vérité est un mauvais rôle joué par la sage-femme, son amie. En complicité avec d’autres infirmières de la clinique, elle a échangé le bébé de Lalla Fatima, qui est une fille contre un garçon d’une autre femme accouchée au même moment.

Je me demande, pourquoi les gens aiment, directement ou indirectement, mener une vie alimentée par l'erreur. On dit que l'erreur est humaine mais pas l'erreur de ce genre. La famille de Hadj Abdallah et peut-être d'autres familles connaissant des problèmes identiques, sans le connaître, adoptent des enfants dont on n'est ni le père ni la mère.

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